Expérience

Je travaille à l'expérience. La matière m'y invite. L'atelier aussi.

Je me forme à l'expérimentation. Le temps m'y incite. Les rencontres aussi.

J'évolue dans mon expertise. Le fragile m'y contraint. Le geste m'y astreint.

 

Essai

 

Qui peut dire que de rien il n'a l'expérience ? Personne. Tout un chacun a l'expérience de quelque chose.

Pour autant aucune n'est semblable bien que pouvant être comparable, sinon, elle serait alors une imitation. Mais chacune est constitutive de celui qui la possède.

L'expérience ramenée au commun présente d'emblée cette dualité qui fait d'elle un pluriel issu de la singularité de chacun à la former, l'éprouver, la faire vivre.

 

Ce mot m'évoque l'inconnu, l'incertain autant que son contraire par la figure de l'expert. L'expérience c'est le temps de l'essai, de la tentative, autant que celui du savoir.

Un même mot qui selon la temporalité qu'il veut décrire se place de lui même aux antipodes de sa signification. Un mot qui se contredit lui même en somme.

Un mot qui n'est pas d'accord avec ce qu'il traduit. Ou bien, un mot trop complexe pour accepter d'être réduit à un seul sens.

 

Ainsi, selon le temps, l'expérience est une épreuve autant qu'elle fait preuve.

Elle éprouve nos habiletés à, nos capacités de, pour nous amener à faire nos preuves sur. 

L'expérience est présente dans l'ensemble de nos activités mais ne s'y conjugue pas au même temps. 

Au présent, c'est l'expérience en-train-de-se-faire, celle qui s'acquiert, se capitalise.

Au passé, c'est l'expérience de l'acquis, du savoir, du connu.

Au futur, c'est l'expérience de l'expérimentation, de l'inconnu, la recherche.

Pour autant, tous ces temps de l'expérience ne sont pas coupés les uns des autres, ils se conjuguent entre eux donnant forme à notre vie,

y tracant les lignes de continuité entre hier, aujourd'hui et demain.

 

Expérimenter, expertiser, expériencier...

Des mots de racine commune, de la famille de l'expérience, seule cette dernière est un mot qui n'a pas de verbe : l'expert expertise, l'expérimentateur expérimente.

Mais l'expérience reste un mot qui désigne un fait qui ne se conjugue pas à partir de lui même. Il se conjugue au faire ou à l'avoir.

On fait ou l'on a l'expérience de, mais on ne peut pas expériencier. Ainsi donc, l'expérience on la possède et on l'éprouve. 

L'expérience est un voyage, un mouvement. Un voyage de l'action, de l'agir. Un jeu de va et vient entre les faits et les idées et les idées et les faits.

Elle se trouve ainsi au point de départ comme au point d'arrivée de toute entreprise mais transformée, changée.

De naissante elle devient co-naissante.

La répétition fera l'expérience acquise. Celle qui nous sert de référentiel.

Celle que les Québécois appellent l'expérientielle.

Expérience-ciel.

N'est-ce pas là le ressort de la créativité de laisser aller le geste jusqu'à nous déposséder de sa propre maîtrise ?

Jusqu'à en perdre l'horizon pour un instant ? Laisser s'envoler les idées jusqu'au ciel ?

Et renoncer à comprendre ce qui est né.